La ministre de l’écologie a déclaré qu’en raison du niveau historiquement bas des nappes phréatiques, “nous n’avons pas d’autre choix que d’agir”. La France ne réutilise actuellement que 1 % de son eau.

Alors que la France est confrontée à une pénurie croissante de cette ressource essentielle, le pays a dévoilé les principales mesures de son plan de conservation de l’eau.

Avant de rencontrer les représentants de l’industrie, le ministre de l’écologie, Christophe Béchu, a donné des détails sur le Plan national pour l’eau du gouvernement dans une interview accordée au journal Le Parisien.

Voici quelques-uns des points clés qu’il a évoqués

Des étés super secs et un manque de précipitations pour mettre en place un plan d'économie d'eau
  • L’été 2022 a marqué un tournant important puisque la quasi-totalité des régions françaises ont été soumises à des restrictions d’eau et que 700 communes ont eu du mal à accéder à l’eau potable.
  • Selon les prévisions, la situation devrait s’aggraver car les ressources naturelles en eau en France pourraient diminuer de 10 à 40 % d’ici 2050, ce qui ne nous laisse pas d’autre choix que de prendre des mesures, comme l’a déclaré le ministre de l’écologie.
  • Le gouvernement se concentre actuellement sur l’amélioration de la quantité et de la qualité des ressources en eau, ainsi que sur l’amélioration des stratégies de gestion de crise.
  • L’un des objectifs est de réduire de 10 % le volume d’eau extrait des sources souterraines d’ici la fin du mandat actuel du gouvernement, ce qui se traduit par une réduction de quatre milliards de mètres cubes par an.
  • Tout en exhortant les agriculteurs à utiliser l’eau de manière judicieuse, le gouvernement reconnaît qu’il serait hypocrite d’appliquer des restrictions excessives, car l’agriculture est fortement dépendante de l’eau, et des mesures trop restrictives pourraient potentiellement conduire à des importations d’eau.
  • Une application Ecowatt pour l’eau, similaire à l’application Ecowatt de suivi de la consommation d’énergie, est actuellement en cours d’élaboration pour aider les particuliers à suivre leur consommation d’eau domestique.
  • La lutte contre les fuites dans les infrastructures d’eau est une priorité absolue pour le gouvernement. Selon la déclaration de M. Béchu, 5 à 70 % de l’eau potable est perdue à cause des fuites, la moyenne nationale étant de 20 %. Le gouvernement entend remédier à ces problèmes en réparant les zones concernées et en veillant à ce que les autorités locales prennent les mesures qui s’imposent.
  • Le gouvernement prévoit d’augmenter le pourcentage d’eau réutilisée en France, qui n’est actuellement que de 1 %. À titre de comparaison, l’Italie réutilise 10 %, l’Espagne 20 % et Israël plus de 90 % de ses ressources en eau. Sur 33 000 installations de traitement des eaux, seules 77 sont en mesure de recycler entièrement l’eau. L’eau recyclée se compose principalement d’eaux grises (eaux ménagères légèrement contaminées) et d’eaux de pluie.
  • Au lieu d’utiliser l’eau potable, le gouvernement propose d’utiliser l’eau légèrement contaminée pour des activités telles que les chasses d’eau.
  • La France manque actuellement d’un outil permettant de connaître en temps réel les niveaux d’eau, c’est pourquoi le gouvernement travaille à l’élaboration d’un tel outil.
  • Le gouvernement prévoit d’imposer des restrictions d’eau bien avant l’été, qui seront non seulement moins sévères mais aussi plus efficaces, selon la déclaration du ministre.

Selon M. Béchu, “je ne me lève pas tous les matins avec l’objectif d’obliger les Français à économiser l’eau. Mais c’est une conséquence du changement climatique qui nécessite des ajustements de la part de chacun d’entre nous. Comme l’a déclaré le président, nous devons nous habituer à la fin de l'”abondance illimitée”, qui inclut également l’eau.

Changement climatique et cycles de l’eau

Des étés super secs et un manque de précipitations pour mettre en place un plan d'économie d'eau

L’expert Alexis Guilpart a expliqué au Parisien que l’impact du changement climatique sur les cycles de l’eau peut être compliqué :

“La ressource en eau renouvelable (l’eau qui ne s’évapore pas et qui reste dans les rivières et les nappes phréatiques) a diminué de 14 % entre les décennies 2000-2010 et 2010-2020.”

M. Guilpart, membre de l’association France Nature Environnement, qui demande au gouvernement d’agir davantage sur le sujet, a déclaré que l’été 2022 a été un “électrochoc” qui a considérablement aggravé la situation.

Selon M. Guilpart, il s’agit d’une “tempête parfaite” de facteurs, y compris des précipitations insuffisantes, une sécheresse historique et des vagues de chaleur, qui ont exacerbé la situation en réduisant davantage les niveaux d’eau déjà bas. Il a déclaré que tous les indicateurs sont à un niveau critique, le niveau des nappes phréatiques étant dangereusement bas. Il a ajouté que seules des précipitations importantes et prolongées pourraient inverser cette tendance.

Les Français et la consommation d’eau

Des étés super secs et un manque de précipitations pour mettre en place un plan d'économie d'eau

Selon une étude récente menée par l’Institut Toluna et Harris Interactive, la plupart des Français sont conscients de la gravité de la situation de pénurie d’eau et de la pression exercée sur l’approvisionnement en eau. En fait, la majorité des personnes interrogées ont exprimé leur inquiétude à ce sujet, les trois quarts d’entre elles se disant préoccupées par les restrictions et les pénuries d’eau potable à l’avenir.

Un tiers de la France est actuellement confronté à des pénuries d’eau, les régions consommant plus d’eau qu’elles ne peuvent en fournir. Si la situation est particulièrement grave dans le sud-ouest, elle l’est aussi dans des régions comme la Normandie et le Calvados.

Une autre étude a révélé que 66 % de la population réduit sa consommation quotidienne d’eau. Néanmoins, la plupart des individus (64 %) pensent que leur consommation est inférieure à 100 litres par jour, alors que la réalité est plus proche d’une moyenne de 150 litres par personne et par jour.

Selon M. Guilpart, certaines municipalités prennent des mesures importantes pour faire face à la pénurie d’eau. Par exemple, la ville de Niort, dans les Deux-Sèvres, a pu réduire de moitié sa consommation d’eau en s’attaquant aux fuites et en les réparant. En outre, les agriculteurs sont invités à réduire leur consommation d’eau, car ils sont généralement parmi les plus gros consommateurs individuels d’eau.

Selon Philippe Jougla, représentant du syndicat agricole FNSEA, le changement climatique est déjà en cours et pourrait entraîner des “guerres de l’eau”. Certaines régions ont déjà connu des “batailles de l’eau” en raison de conflits liés à l’utilisation de l’eau, comme l’opposition aux plans d’eau à grande échelle pour les agriculteurs et la controverse sur l’utilisation de canons à neige dans les stations de ski.

En 2022, la commune de Berrien dans le Finistère a été confrontée à une sécheresse sans précédent, causée par une pluviométrie anormale et des températures grimpant jusqu’à 41°C pendant l’été. En conséquence, la ville a souffert d’une pénurie d’eau potable, l’eau potable locale n’étant pas disponible pendant un certain temps. Les habitants pouvaient utiliser l’eau locale pour se laver, mais elle n’était pas adaptée à la boisson ou à la cuisine.

Le maire a dû organiser des distributions hebdomadaires de 900 bouteilles d’eau.

Les moyens de réduire la consommation d’eau à la maison sont les suivants

  • Installer des dispositifs de limitation de la pression de l’eau sur les robinets et les pommes de douche.
  • Prendre des douches plutôt que des bains.
  • Utiliser les modes écologiques des lave-linge et des lave-vaisselle.
  • Arroser les plantes à la main ou utiliser des systèmes de goutte-à-goutte.