Les scientifiques ont averti que les températures douces dans certaines parties de l’Europe cet hiver sont un événement météorologique extrême causé par le changement climatique – à égalité avec les vagues de chaleur qui ont frappé le continent l’été dernier.
Ils ont déclaré que les Européens sont mal préparés à de tels extrêmes, qui, selon eux, deviendront probablement la norme après 2050.
Des températures proches de 19°C ont été enregistrées dans la capitale polonaise Varsovie le jour du Nouvel An.
A Paris, les températures ont été supérieures de 5,5°C à la moyenne entre le 19 décembre et le 2 janvier.
Ces températures hors saison sont dopées par l’arrivée des vents subtropicaux du sud-ouest. Bien que ceux-ci ne soient pas inhabituels, leur intensité a augmenté avec le réchauffement climatique d’origine humaine.
Sa principale cause est la combustion de combustibles fossiles depuis le début de la révolution industrielle au 19ème siècle.
“Le réchauffement climatique réduit les différences de température entre les latitudes basses et élevées, ce qui peut affecter la circulation atmosphérique aux latitudes moyennes. Cela pourrait notamment conduire à davantage de systèmes à haute pression, éloignant les systèmes à basse pression du continent européen”, a déclaré Gerhard Krinner, climatologue et directeur de recherche au CNRS.
“Cela peut à son tour augmenter l’intensité et la durée des vagues de chaleur.”
Les records de cet hiver montrent un écart par rapport à la norme similaire à ceux de l’été dernier, lorsque les températures pendant les canicules étaient d’environ 7°C plus élevées que d’habitude, a déclaré Serge Zaka, spécialiste de l’agriculture et du climat qui dirige également l’organisation non gouvernementale française sur le climat InfoClimat.
Les chiffres publiés par le service météorologique national français, Météo France, montrent qu’en moyenne, les températures de l’été ont été supérieures de 2,3°C à la normale.
Mais parce que les températures actuelles sont confortables, elles attirent moins l’attention qu’en juillet, a-t-il déclaré.
“Les températures douces en hiver sont trompeuses, car elles sont agréables et réduisent les factures d’énergie, donc les gens sont moins inquiets que lorsqu’ils atteignaient entre 40°C et 44°C”, a déclaré M. Zaka.
La météo en juillet dernier a marqué une étape importante dans certains pays européens, avec des températures enregistrées dépassant les 40°C au Royaume-Uni pour la première fois. Cela a provoqué de graves perturbations des infrastructures, car les voies ferrées britanniques n’étaient pas conçues pour faire face à une telle chaleur.
Pendant ce temps, des pays comme la France et l’Espagne ont lutté contre les incendies de forêt.
La durée relativement longue du temps doux récent pourrait avoir un impact sur la sécurité alimentaire en Europe, a averti M. Zaka.
Au lieu de durer quelques jours, les températures plus élevées ont persisté au cours des deux dernières semaines et devraient se poursuivre pendant encore deux semaines.
Leur impact sur les arbres fruitiers et les vignes, qui sont amenés à croire que le printemps est arrivé et commence à fleurir, est potentiellement dangereux, car les bourgeons peuvent être tués par une vague de froid en mars ou avril.
Les hivers plus chauds que d’habitude au cours des cinq dernières années ont causé des pertes importantes dans le secteur agricole européen.
Prévoir le temps qu’il fera pour le reste de 2023 est un exercice scientifique difficile, mais le Met Office britannique a déjà averti que la Grande-Bretagne devrait voir des conditions douces se poursuivre ce mois-ci.
M. Krinner a déclaré qu’à l’échelle mondiale, 2023 sera probablement plus chaude que 2022.
La planète connaît actuellement des conditions plus fraîches que d’habitude dans la région du Pacifique oriental en raison du régime climatique de La Nina, qui est à l’opposé d’El Nino, lorsque les températures dans cette région sont plus chaudes que d’habitude.
“L’événement actuel de La Nina, qui a duré trois ans, sera bientôt terminé et nous nous dirigerons vers des conditions neutres. Parce que le Pacifique oriental est une grande région, il est juste de supposer que les températures mondiales en 2023 seront plus élevées qu’en 2022 », a déclaré M. Krinner au National.
Le changement climatique a été particulièrement perceptible en Europe au cours des dernières décennies.
Les températures augmentent deux fois plus vite en Europe par rapport au reste du monde pour des raisons qui ne sont pas encore tout à fait claires pour les scientifiques, a déclaré Françoise Vimeux, climatologue et directrice de recherche à l’Institut de recherche et développement de Marseille.
En moyenne, les températures sur la planète ont augmenté de 1,1°C depuis le début du XXe siècle, mais en France, elles ont augmenté de 1,7°C.
Une raison peut être qu’en Europe, les pays scandinaves traversent le cercle polaire arctique, où il y a plus de neige qu’ailleurs sur le continent.
À mesure que les températures augmentent, la neige fond, ce qui entraîne une augmentation encore plus rapide des températures. Ce phénomène d’« amplification polaire » est bien connu des scientifiques, a déclaré Mme Vimeux.
“La surface blanche est remplacée par des surfaces sombres qui absorbent l’énergie solaire plus efficacement”, a-t-elle déclaré au National.
Si l’Europe continue sur sa trajectoire météorologique actuelle, les températures qui étaient considérées comme extrêmes en 2022 deviendront la norme après 2050, avec des températures pouvant atteindre 50°C pendant l’été dans les pays du sud de l’Europe, a-t-elle déclaré.
“Nous parlons de pics pendant quelques heures, pas des jours entiers”, a déclaré Mme Vimeux.
Le changement climatique, et plus particulièrement les vagues de chaleur, augmente les taux de mortalité, endommage les écosystèmes, réduit les rendements agricoles et les ressources en eau.
“Nous sommes obligés de nous adapter, car même si nous arrêtions toutes les émissions de CO2 demain, les températures continueraient d’augmenter pendant les 20 à 30 prochaines années”, a déclaré Mme Vimeux.
L’Organisation mondiale de la santé estime que le temps chaud à travers l’Europe a tué plus de 15 000 personnes l’été dernier.
Les pratiques agricoles et les habitudes alimentaires à travers l’Europe seront au premier plan de cette transformation climatique, a déclaré M. Zaka, car les conditions météorologiques actuellement courantes autour de la Méditerranée se déplaceront vers le nord.
Les rendements dans le sud de l’Europe sont susceptibles de diminuer à mesure que les réserves d’eau s’assèchent.
“Nous devrons nous concentrer sur des cultures comme les olives, les agrumes, les amandes, les pistaches et le sorgho”, a déclaré M. Zaka.
Mais tout n’est pas mauvais, a-t-il souligné. L’agriculture dans le nord et le nord-est de l’Europe pourrait être positivement affectée par le changement climatique.
Et d’autres vignobles sont “susceptibles d’apparaître en Belgique, au Luxembourg et dans le sud de la Grande-Bretagne”, a ajouté M. Zaka.
